Marcher dans sa propre forêt et ne pas reconnaître le visage des arbres. Ne pas reconnaître la voix du vent ni même l’odeur de la terre, de la pureté elle-même. Courir à la recherche du familier. Courir à la recherche de soi jusqu’à en perdre complètement le souffle. Haleter entre l’inconnu et le désespoir. Voir le soleil s’éteindre pas à pas, à l’autre bout de la sphère. Voir, pour la première fois, la lueur des ténèbres envahir la forêt jusque-là familière.
Rentrer. Il faut rentrer.
Voir avec effroi les ombres se glisser entre les arbres, se faufiler autour de soi. Ne pas trouver le chemin du retour. Ne pas savoir revenir à la maison. Avancer vers les ténèbres, la peur au ventre. Il faut sortir d’ici.
La panique. La peur. Le cœur prêt à exploser.
Reculer devant les ombres qui s’avancent, qui gagnent du terrain. Il faut rester dans la lumière. Il faut rentrer vers la lumière. Et la peur toujours grandissante pèse comme un poids au fond du ventre. Les pas sont difficiles et incertains. Où mettre les pieds quand on ne sait pas où aller? Où mettre les pieds dans la forêt noire?
Puis le vent se tait, laissant les hurlements étouffer la forêt. Hurlements du désespoir. Hurlements de la haine. De la peur. De la colère. Hurlements épouvantables qui creusent les oreilles, se forçant un chemin jusqu’au creux de la tête. S’arrêter. Le poids de la peur force le corps à s’accroupir, à avancer à quatre pattes.
Survivre.
Ramper le plus vite possible. Déchirer ses genoux sur le sol hostile. Entendre les cris se rapprocher, lacérant les arbres de leurs voix horribles. Il ne faut pas les laisser entrer dans sa tête. Sentir le froid, ,imposer par les ombres, engourdir doucement ses membres comme une cruelle chanson pour endormir l’enfance à jamais. Il faut se cacher, il faut survivre.
Trouver un trou. S’y terrer, le corps tremblant, les sanglots dans la gorge. Serrer son corps en lambeaux contre soi. Et les cris, qui dominent la forêt, cherchent désespérément une tête pour y entrer de force. Fermer les yeux et espérer que le soleil ne s’est pas éteint à jamais.
Sauve-moi de la forêt inconnue.
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