Aimer

Aimé à s’en émouvoir.

À vouloir bouger des montagnes, à pouvoir retourner la marée sur elle-même. Le genre d’amour qui chavire un bateau sans tempête, dès le premier regard. Qui donne l’impression de se connaître depuis des années déjà, dès le premier touché.

Je l’ai trouvé à l’automne, quand tout ce qui n’était pas déjà mort, mourrait. Quand le beau temps semblait si loin derrière moi. Je n’avais pas traversé l’hiver encore, et pourtant j’avais si froid, déjà.

Dans sa chaleur, j’allais survivre à tout. À l’hiver, à la guerre, à l’effondrement d’un univers et à l’évolution sur la nouvelle terre.

On ne le savait pas, ça. Ni un, ni l’autre. On est tombé en amour, comme tout le monde le fait. Bêtement, avec des intentions différentes. Un regard, un touché. C’est fait, ça y est.

L’éternité aurait été trop courte, si on l’avait eu.

Et le temps ensemble à fuit bien trop vite pour qu’on le retienne.

Aimé à s’en décevoir.

À ne plus se reconnaître, malgré les années partagées. À être désolé de n’avoir été que de passage, de ne pas être la bonne personne. Le genre d’amour qui se termine comme il a commencé, bêtement. Qui donne l’impression de ne s’être jamais regardé les yeux ouverts.

Je l’ai perdu un printemps, quand tout ce qui ne revit pas, est mort pour de bon. Quand le beau temps ne semble jamais vouloir revenir. J’ai traversé l’hiver, et pourtant, j’ai encore si froid.

Nous avons survécu à l’hiver, à la guerre, à l’effondrement d’un univers et à l’évolution sur la nouvelle terre. Nous n’avons pas survécu à nous.

On ne le voulait pas, ça. Ni un, ni l’autre. On s’est regardé, ce matin là et on était deux inconnus dans de vieux pyjamas, volés à une ancienne vie. Qu’est-ce qui nous a changé? Qu’est-ce qui nous est arrivé? Le temps, tout bêtement. Sans plus se toucher, se regarder, on est parti. C’est fini, ça y est.

L’éternité aurait été trop longue si on l’avait eu.

Et le temps l’un sans l’autre fuit, sans même qu’on le retienne.